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Magdalena Andersson est entrée dans l’histoire de la Suède comme la première femme cheffe du gouvernement, mais aussi comme la plus éphémère d’entre eux : quelques heures après avoir été élue Première ministre, elle a dû démissionner après la décision des Verts de quitter la coalition gouvernementale. Mais la cheffe de file des sociaux-démocrates, ministre des Finances dans le gouvernement précédent, a toutes les chances d’obtenir une nouvelle fois la confiance du Parlement ce lundi et de prendre la tête d’un gouvernement minoritaire Quelques heures à peine après sa nomination au poste de Premier ministre, cent ans après que la Suède a accordé le droit de vote aux femmes, Magdalena Andersson affrontait une première déconvenue. Le Parlement suédois, aux équilibres très serrés, rejetait son budget et adoptait celui de l’opposition de droite, préparé pour la première fois, avec l’extrême droite. Si la ministre des Finances de Stefan Löfven s’est dite prête à s’en accommoder, ses alliés écologistes de coalition ont, eux, décidé de claquer la porte. Magdalena Andersson a alors estimé qu’elle n’avait d’autre choix que de se retirer, tout en annonçant au président du Parlement qu’elle était toujours « prête à devenir Premier ministre ». Car Magdalena Andersson est quasi certaine d’être réélue lors d’un nouveau vote lundi, faute d’alternative sérieuse. Les Verts et les centristes ont déjà annoncé qu’ils accepteraient un gouvernement 100 % social-démocrate. À la tête de ce cabinet très minoritaire, Magdalena Andersson, devra faire preuve de talents de négociatrice. Pour Elisabeth Elgán, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Stockholm, spécialiste des mouvements féministes nordiques, ça n’est pas mission impossible. « C’est un personnage qui me fait penser à Angela Merkel, une Angela Merkel de gauche », note la chercheuse qui la qualifie de « franche, discrète et sérieuse », tout en n’étant pas très « charismatique ». À 54 ans, cette économiste de formation, mariée et mère de deux enfants, se définit elle-même comme une « femme sympa et travailleuse » aimant décider. Mais cette ancienne championne junior de natation, fan de heavy metal, connue pour son style direct, a aussi gagné le surnom de « bulldozer » au ministère des Finances. Un terme que réfute Jonas Hinnfors, professeur de sciences politiques à l’Université de Göteborg : « Elle a été un membre très loyal du gouvernement de Stefan Lövfen. Or ce gouvernement a fait preuve de pragmatisme en actant le fait que les socio-démocrates avaient une position très faible et qu’ils devaient, de ce fait, coopérer avec les partis de droite et du centre ». Pour le politologue, elle est avant tout « une pragmatique ». Proche de Stefan Löfven, elle lui a succédé à la tête du parti social-démocrate au début du mois. Après de brillantes études à la « Handels » de Stockholm, équivalent suédois d'HEC, complétée par un passage à Harvard, elle se fait rapidement une place dans l’appareil social-démocrate. Si elle aime à raconter que dans sa jeunesse, elle servait le café dans les réunions du parti, comme le rappelle Jonas Hinnfors, son profil est très différent de son prédécesseur. Stefan Löfven a été le premier dirigeant syndical à avoir jamais assumé un rôle de Premier ministre dans l’histoire du parti social-démocrate, pour un parti ouvrier, « c’était quand même quelque chose, note Yohann Aucante, spécialiste de la Scandinavie à l’École des Hautes études en Sciences sociales (EHESS), pour lequel l’ancien soudeur était beaucoup plus « en rupture par son profil que Magdalena Andersson qui est un pur produit de l’aristocratie sociale-démocrate ». Membre des jeunesses du parti, SSU, à 16 ans, elle devient collaboratrice du Premier ministre Göran Persson en 1996 et alterne les fonctions au sein du parti et des postes de haut fonctionnaire, jusqu’à devenir ministre des Finances en 2014. « Comme beaucoup de membres de l’élite politique, elle a une trajectoire extrêmement classique et linéaire », souligne Yohann Aucante. Plutôt marquée au départ à l'aile gauche, elle a suivi « en pragmatique » le virage centriste de son parti, selon Jonas Hinnfors. Dans ce contexte, Yohann Aucante ne voit pas Magdalena Andersson comme « une grande innovatrice. La seule chose qui la pousse dans ses retranchements, ce sont les nécessités issues de la pandémie de Covid-19 », note le maitre de conférence de l’EHESS. En tant que ministre des Finances, Magdalena Andersson s’est illustrée en s’opposant au plan européen de relance pour faire face à la crise sanitaire, avant de s’y rallier. Ministre dite « frugale », qualifiée de « radine de l’Europe » elle a dû faire des concessions aux autres partis, en Suède, en desserrant les cordons de la bourse et « en acceptant une forme de « quoi qu’il en coûte » à la suédoise », note Yohann Aucante. Pour relancer son camp, Magdalena Andersson a fixé trois grandes priorités : « reprendre le contrôle démocratique » sur les écoles, le système de santé et les maisons de retraite après une vague de privatisations, faire de la Suède une championne du climat, et combattre la ségrégation et la guerre des gangs que la Suède ne parvient pas à enrayer. Mais le temps presse : les prochaines élections législatives auront lieu en septembre 2022.