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Retour sur la crispation entre la France et les États-Unis, après la décision de l’Australie d’annuler son contrat d’achat de sous-marins français au profit d’un nouveau contrat avec Washington, pour des sous-marins à propulsion nucléaire. Comment expliquer ce geste brutal des Américains vis-à-vis de la France, l’un de leurs principaux alliés ? La réponse la plus plausible est que les États-Unis ont estimé que leur rôle était plus important que celui de la France dans cette région sensible de « l'Indo-Pacifique », comme on l'appelle aujourd’hui. Et ils n’ont pas hésité à faire pression sur l’Australie pour qu’elle se mette sous leur protection, quitte à fâcher très fort la France, à qui ils soufflent au dernier moment un contrat très important – plus de 50 milliards d’euros – de fourniture de sous-marins à l’Australie. Le fait en soi est très désobligeant. La façon d’agir l’est plus encore. Comme l’a résumé Jean-Yves Le Drian : « Cela ne se fait pas entre alliés ». Seulement voilà, nécessité fait loi. Les Australiens et les Américains affirment par ailleurs qu’ils avaient prévenu Paris d’une possible annulation du contrat avec Naval Group, ce que la France continue à démentir avec force, répétant avoir été mise tout simplement devant le fait accompli. Zéro concertation En tout cas, au-delà de cette affaire de contrat, Washington a voulu mettre en place « Aukus », une alliance sécuritaire entre Washington, Londres et Canberra. Il s’agit de répondre aux défis posés à l’ordre occidental par la Chine, à Taïwan, à Hong Kong, et surtout en mer de Chine méridionale. Cette alliance s’est construite entre Anglo-Saxons, sans aucune concertation donc avec la France, qui pourtant, disent les Américains, joue un rôle important dans la région indo-pacifique. Trop important sans doute, ou trop autonome. D’où le choix peut-être du front anglo-saxon, des alliés fidèles et obéissants qui acceptent, comme l’Australie avec ce contrat, que les États-Unis gardent le contrôle de l’utilisation des sous-marins qu’ils vont vendre – et cher de surcroît. L'Amérique d'abord Un mois après le retrait de Kaboul, où déjà le président Biden n’avait quasiment pas consulté ses alliés de l’Otan, voici donc une nouvelle manifestation pour le moins inélégante du peu de cas que font les États-Unis des alliés du Vieux Continent. On est assez loin des intentions affichées par Joe Biden, qui promettait une diplomatie fondée sur les alliances et les valeurs. Et on n’est pas très loin, dans les faits, de la façon de faire de Donald Trump, comme l’a souligné le chef de la diplomatie française. Alors certes, il y a une différence de style, par rapport à l’époque de Trump : Joe Biden et son secrétaire d’État, le très francophile Anthony Blinken, ont cherché à apaiser Paris, insistant sur le fait que la France était un « partenaire vital ». Mais il y a les paroles et il y a les actes. Et ces actes décrivent une réalité bien plus brutale. Celle d’une superpuissance qui n’hésite pas, quand ses intérêts stratégiques sont en jeu, à faire de la France un dégât collatéral. En sachant que la colère de Paris ne pourra pas durer très longtemps, tant les relations entre les deux pays sont étroites, et tant l’un est beaucoup plus puissant que l’autre.