Le monde en questions - En Irak, les élections de la désillusion?

Share:

Listens: 0

Le monde en questions

News


Des élections législatives anticipées se déroulent dimanche 10 octobre en Irak, deux ans après des manifestations de masse dans le pays. Ce scrutin peut-il permettre d’apaiser la situation politique en Irak ?  La réponse est : sans doute pas. Ces élections législatives anticipées avaient pourtant soulevé beaucoup d’espoir quand elles avaient été annoncées en mai 2020. Car ce scrutin était décidé pour répondre au mécontentement d’une grande partie de la population iranienne, notamment de la jeunesse du pays. Mécontentement exprimé lors de grandes manifestations en octobre 2019 en particulier sur la place Tahrir à Bagdad. Ce que réclamaient ces dizaines de milliers d’Irakiens, c’était tout simplement un changement de régime : pêle-mêle, ils demandaient la fin des logiques confessionnelles entre chiites, sunnites et kurdes, la fin de la corruption, la fin des ingérences extérieures, notamment le rôle très important que joue l’Iran sur la politique irakienne, la fin des milices militarisées, l’instauration d’un véritable état de droit, une réforme de la loi électorale et une politique économique et sociale plus juste et plus efficace.  ► À écouter aussi : Irak : l'illusion d'une démocratie Deux ans plus tard, le bilan est quasi nul, d’autant que la pandémie de Covid-19 n’a rien arrangé. Du coup, on peut dire que le climat actuel est délétère en Irak. Les initiatives prises par le gouvernement, changement de la loi électorale, anticipation du scrutin législatif, non seulement n’ont pas été suffisants, mais apparaissent aujourd’hui comme de fausses bonnes idées puisque les pratiques clientélistes et corruptrices se poursuivent, mises en œuvre par les grands partis irakiens au détriment des nouvelles formations qui ont de même essayé d’exister politiquement pour représenter les aspirations des manifestants d’octobre 2019. Et pour les faire taire, ces nouveaux partis, on leur a fait peur : une répression très dure s’est abattue sur de nombreux militants et responsables, notamment avec des assassinats ciblés. Des exactions ont été perpétrées par des factions armées, liées à certaines communautés et parfois à une puissance extérieure, mais omniprésente en Irak, l’Iran. Le résultat, c’est que la mobilisation aujourd’hui est quasiment nulle. C’est plutôt une forme de résignation forcée qui domine, dans un pays où la situation économique des jeunes notamment reste très précaire. Et donc, ce dimanche, ces jeunes révolutionnaires d’octobre 2019 seront bien peu à aller voter, certaines organisations ont même appelé au boycott du scrutin. Le risque d’une abstention massive est donc réel. On le voit, le constat est cruel. Il y a une véritable rupture entre le peuple et ses élites, qui ont confisqué à leur profit le système institutionnel. Les grands partis continuent à mener la danse, entre formations chiites, sunnites et kurdes. Ces élections qui devaient être celles d’un renouveau seront certainement le scrutin de la désillusion et d’un désenchantement profond. Elles risquent fort d’enterrer définitivement les espoirs nés il y a deux ans. Et de laisser l’Irak, plus que jamais, au bord du gouffre.