Kiril Petkov, le «Monsieur Propre» de Bulgarie

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Européen de la semaine

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Il a créé la surprise en remportant les élections législatives de novembre, puis en formant une coalition de gouvernement inédite alors que son pays était plongé depuis plusieurs mois dans une interminable crise politique. Kiril Petkov était un parfait inconnu en Bulgarie au printemps dernier. Il incarne désormais un véritable espoir de changement. Avec un objectif majeur : en finir avec le fléau de la corruption. Pour comprendre l’ascension fulgurante de Kiril Petkov, il faut se pencher sur son parcours, totalement atypique au sein de la classe politique en Bulgarie. Le nouveau Premier ministre bulgare a grandi au Canada, a fait ses études aux États-Unis et n’est revenu au pays qu’à la fin des années 2000. « Il est issu d'une famille dont les parents étaient enseignants, explique Nadège Ragaru, directrice de recherches à Sciences Po et spécialiste des Balkans. Ses parents ont fait le pari de l'émigration dans les années 1990, alors que la Bulgarie était en pleine crise économique, et ils se sont installés au Canada. Il a grandi là-bas, a fait ses études sur place, puis à Harvard et a ensuite décidé de revenir dans son pays d’origine en 2007 au moment où la Bulgarie entrait dans l’Union européenne. » Aujourd’hui âgé de 41 ans, Kiril Petkov lance avec succès un laboratoire de probiotique : un parcours de « golden boy » qui fascine ses électeurs et galvanise ses partisans. « Cette fascination pour la réussite est quelque chose d'extrêmement important en Bulgarie, dans une société qui a le sentiment d'être fragile, dans un pays dont la jeunesse préfère émigrer, bref un pays sans avenir. Donc avoir un grand homme – un "petit Bulgare" qui a réussi, y compris aux États-Unis et à Harvard –, c’est un argument très puissant. » Lutte contre la corruption Nommé ministre de l’Économie au printemps dernier alors que le pays est en pleine crise politique, Kiril Petkov séduit par son allure de jeune premier – on le compare volontiers à John Travolta, par son style décontracté et surtout par sa volonté de lutter contre le fléau de la corruption. La lutte contre la corruption et le rejet de Boïko Borissov, l’ex-Premier ministre conservateur qui a dominé la vie politique bulgare depuis une décennie, deviennent le ciment de sa plate-forme politique et de son parti, « Nous continuons le changement », fondé quelques semaines seulement avant les élections législatives de novembre. « Petkov et son équipe ont réussi à faire sortir des scandales de corruption dans les six mois où ils ont été aux manettes du ministère de l’Économie, au sein du gouvernement technique de transition,raconte Romain Le Quiniou, directeur général d’Eurocreative, centre de réflexion sur l’Europe centrale et orientale. Les Bulgares y ont vu une volonté de réformer de l’intérieur ce système de corruption mis en place par les différents partis traditionnels en Bulgarie depuis la chute du communisme. C’est vraiment le grand défi auquel font face Petkov et ses alliés : que le peuple bulgare croit de nouveau en son système politique. » Macédoine du Nord : vers une levée du veto Autre dossier majeur pour le nouveau Premier ministre bulgare : la lutte contre le Covid-19. Le taux de vaccination en Bulgarie est inférieur à 30% et le pays affiche l’un des taux de mortalité les plus élevés au monde. Le principal objectif du nouveau Premier ministre bulgare sera donc de convaincre ses concitoyens de se protéger contre le virus. Sur la scène internationale, Kiril Petkov se pose en pro-européen convaincu et veut avancer sur un dossier extrêmement sensible dans son pays : l’adhésion à l’Union européenne de la Macédoine du Nord, à laquelle s’oppose la Bulgarie. « La tactique qu’il a adoptée est de ne pas centrer les pourparlers seulement sur la lecture de l'histoire, pointe Nadège Ragaru, mais aussi de proposer une réelle coopération économique entre les deux pays, un réel développement des infrastructures. Or les deux pays ont de ce point de vue des intérêts communs puisque la Macédoine du Nord est un pays relativement enclavé. De son côté, la Bulgarie a besoin, pour rayonner à travers l’espace de l’Europe du Sud-Est, d’avoir aussi des réseaux de circulation plus développés. Donc l’espoir est qu’à travers l’élan d’enthousiasme qui a été suscité, il soit possible d’aller au fil des mois vers une levée du veto de la Bulgarie. » Selon des déclarations au Financial Times juste avant sa confirmation au poste de Premier ministre, Kiril Petkov s’est donné six mois pour aboutir dans ce dossier. Avec en ligne de mire, le Sommet des Balkans qui sera organisé par la France en juin prochain.