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En Afrique, on parle souvent d’Internet quand il y a des coupures en période de contestations… Mais au-delà de ces coupures se pose une autre question cruciale pour bon nombre d’Africains : celle du prix prohibitif des connexions. Le Tchad vient de baisser les tarifs (depuis le 3 février) de 30%. Qemal Affagnon est le responsable Afrique de l'Ouest de l’ONG Internet sans frontières. RFI : Une baisse de 30 à 60%, selon les forfaits au Tchad, un pays où internet était parmi les plus chers au monde… Il était temps, selon vous ? Qemal Affagnon : Oui, il était temps… Il était temps… C’est une décision importante dans un pays où internet, pendant longtemps, a fait peur aux autorités en place. C’est un pays où justement Internet est encore très faible. Aujourd’hui, le taux de pénétration oscille autour de 6,5%. Donc l’idée c’était de faire sortir des pays tels que le Tchad, le Soudan du Sud ou encore la République centrafricaine de l’isolement numérique. Aujourd’hui, c’est une décision salutaire, qui vient montrer que les choses sont dans la bonne voie. Comment les autorités sont-elles parvenues à faire baisser les prix ? Il fallait que cela passe par une négociation avec les opérateurs mobiles au Tchad, parce que ce sont eux qui fournissent le service, et suite aussi à une forte pression de la société civile. Quels sont les pays en Afrique où internet reste à des prix prohibitifs ? On a des pays comme la RDC, le Togo, la République centrafricaine, où les prix sont encore très élevés. Parmi les mauvais élèves, en termes de politique tarifaire, on retrouve des pays comme la Guinée équatoriale, Sao Tomé ou le Malawi. Ce sont des pays où la politique de concurrence n’est pas un fait réel…. Quand vous avez des opérateurs, par exemple, qui détiennent le quasi-monopole sur les marchés, c’est le consommateur qui est pénalisé… qui paye plein pot. Des contrats mal négociés, aussi ? Beaucoup de contrats mal négociés… C’est une problématique récurrente dans ces pays. Il y a aussi l’impact démocratique dans ces pays. Souvent ce sont des pays où le cadre démocratique est défaillant. Donc on a tendance, justement, à ne pas opter pour des politiques tarifaires favorables, parce qu’internet reste l’un des cas ultimes, auxquels les populations recourent pour manifester leur mécontentement par exemple. Et l’Afrique reste aujourd’hui, malheureusement, une partie du monde où internet reste encore fréquemment coupé. Donc des contrats mal négociés, des taxes aussi, parce que les gouvernants cherchent maintenant à utiliser Internet pour partir à la recherche de cash-flow. Ces taxes viennent pénaliser et faire chuter fortement le nombre d’internautes dans le pays. Cela dit, de nombreux pays africains ont connu, ces dernières années, des baisses spectaculaires. Des pays comme le Mali, le Burundi et surtout le Bénin et le Niger. Mais internet coûte encore beaucoup trop cher, selon vous, même dans ces pays-là ? Oui, internet coûte encore beaucoup trop cher, parce qu’il faut toujours comparer avec les réalités locales et les réalités économiques de ces pays. Cela veut dire qu’un consommateur africain paie encore en moyenne beaucoup plus cher son accès Internet, qu’un européen, par exemple ? Exactement. Quand on compare avec un internaute européen ou américain, oui, on peut dire justement que les Africains paient beaucoup plus cher encore. Combien de fois c’est plus cher, en moyenne ? En moyenne, c’est autour de deux-trois fois plus cher. Et quand on compare avec les revenus moyens… Là, c’est totalement la catastrophe. C’est encore un fardeau qui est beaucoup plus lourd à porter pour les internautes. Donc là, il y a vraiment des efforts à faire. Et pour que l’on puisse parvenir à de tels efforts au niveau de la réduction des prix, il faut que des efforts soient faits par rapport aux politiques concurrentielles. Par exemple, dans les pays où internet est disponible, il faut aussi mettre en place des infrastructures. Parce qu’aujourd’hui, quand on a des acteurs privés qui commencent à rentrer dans la fourniture d’Internet, le souci c’est qu’il ne suffit plus d’installer des infrastructures pour espérer bénéficier d’une baisse des tarifs. Il faut faire des efforts, en termes de construction d’infrastructures dans les terres, parce qu’il faut pouvoir tirer le flux depuis la côte, vers l’intérieur des terres. Et c’est là, aussi, que beaucoup de gouvernants sont encore défaillants. Mais avec les nouvelles technologies, les satellites… Il y a beaucoup d’espoir ? Oui, il y a beaucoup d’espoir. De plus en plus d’internautes africains se connectent via le téléphone mobile. Dans certains États il y a une forte concurrence qui est en train de s’installer avec, aussi, les connections satellitaires qui s’établissent, les câbles sous-marins, qui aujourd’hui connectent un peu l’Afrique de tous les côtés… Donc on peut espérer que cette tendance s’améliore sur le continent africain.