Arts
Cette semaine, le coup de cœur BD de Thierry Bellefroid est l’adaptation d’un roman de Martin Winckler, Le Chœur des femmes. L’occasion de remettre les pendules à l’heure en matière de médecine. D’un côté, le maître de stage, le docteur Franz Karma, de l’autre, Jean Atwood, la jeune interne sûre d’elle et de ce qu’on lui a appris, major de sa promotion et bien décidée à finir chirurgienne. Jean n’a aucune envie de faire ce stage dans une consultation gynécologique, mais cela fait partie de sa formation, elle n’a pas le choix. Ce qu’elle aime, elle, c’est la salle d’op’, les corps à réparer, le bistouri, les patients qui se taisent. Et voilà qu’elle arrive dans une consultation pas comme les autres. Bienveillant, le docteur Karma n’a qu’une idée en tête : se mettre à l’écoute des femmes qui viennent le consulter. Très vite, sa méthode se heurte aux certitudes de la jeune interne. Entre eux, la guerre est déclarée dès le premier jour. Tout tourne autour de la médecine, mais d’une certaine médecine. Celle qui se met au service des patients, celle qui doute, celle qui se préoccupe constamment de la douleur et pas seulement d’éradiquer les symptômes encombrants. Et à travers ces deux personnages aux antipodes l’un de l’autre, cet épais roman graphique nous fait prendre conscience du fait que tout est question de regard. Celui de la jeune interne va évidemment se modifier, on s’en doute dès les premières lignes du livre. Mais il y a aussi chez elle un parcours plus personnel et une intrigue propre à la fiction qui vont faire de ce roman autre chose qu’un manuel ou un essai. Peu à peu, on succombe au charme de ce récit tout en nuances et en humanité. Le docteur Karma écoute les histoires de ses patientes sans jamais les interrompre. " Même quand ce qu’elles disent est faux ? " s’indigne la jeune interne. " D’abord, ce n’est pas faux, c’est ce qu’elles ressentent ", répond le médecin, qui conclut : " Il faut respecter leur perception. " La BD apporte à ce roman qui avait connu un joli succès à sa sortie en librairie, il y a plus de dix ans une plus grande proximité, encore. Le livre a beau être d’une grande humanité, le dessin nous rapproche toujours plus de ces femmes et de ces moments qu’elles vivent auprès du docteur Karma. Plus qu’une mise en images, c’est une réinterprétation. Il faut dire qu’Aude Mermillod n’est pas étrangère au sujet, au contraire. C’est en travaillant sur un roman graphique précédent racontant son propre avortement que la dessinatrice a fait la connaissance du romancier et médecin Martin Winckler. Elle lui rend ici un véritable hommage en plongeant dans la matière de son livre. La BD palpite comme un cœur qui bat. Homme ou femme, on se laisse prendre par le quotidien de cette consultation gynécologique pleine d’empathie ; elle agit comme un révélateur. Et nous montre ces médecins que nous rêvons tous d’avoir devant nous, à certains moments de notre vie. --- Thierry Bellefroid évoque le 9éme art, la Bande Dessinée, avec les sorties et les rééditions. Passezdu bon temps, un album à la main, le mercredi à 13h45 dans Lunch Around The Clock.